7 nov. 2019 | Vidéos, Débats de Souverains, Rencontres, 2016 à 2020

Rachida Adzouz

"Ils disent œil pour œil, balle pour balle Moi, je dis «danse pour danse» et j’ouvre le bal"

Si j’étais une danse, je serais la danse d’une couleur
Celle qui me rappelle d’où je viens
Celle qui donne à mon sourire l’éclat du jour, la fierté des miens !

Ma couleur n’est pas un déguisement pour amuser les citoyens

Ma couleur, c’est la danse du soleil sur chaque Africain Chaque Ivoirien,

chaque Congolais, chaque Haïtien chaque Nigérien, chaque Sénégalais ou Mauritanien
Chaque Somalien, chaque Égyptien, chaque Maghrébin chaque Antillais, chaque Jamaïcain, chaque être humain!
Les miens sont sous-représentes dans les grands médias, Surreprésentés en prison
Je ne danse pas la danse de la trahison
Je danse la danse des miens
Celle de Malcom et Martin
Ils se sont battus pour que moi, je danse la danse du soleil.

Celle qui me rappelle d’où je viens, celle qui fait du bien
Ils disent œil pour œil, balle pour balle
Moi, je dis «danse pour danse» et j’ouvre le bal

Rachida Azdouz

Bienvenue parmi les

Souverains anonymes

  • Bonjour Rachida, je m’appelle Mohamed. Bienvenue pour la première fois à notre émission. Ça fait 30 ans qu’on attend ton passage ici. Mais il y a 30 ans, je n’étais pas encore venu au monde. Je ne me posais pas de questions genre : « Qui est apparu le premier, l’œuf ou la poule? ». Je ne me la pose pas plus aujourd’hui. Moi je commence avec un œuf le matin et je termine avec une poule le soir. La réponse aux questions existentielles se trouvent au creux de mon ventre. Je suis né au Québec, de parent marocains, Chez-nous à Montréal tout est marocain, la cuisine est marocaine, la langue est marocaine et le poulet au citron est naturellement un tajine marocain. Aussitôt je sortais de la maison, j’étais au Québec. Je vis toujours cet aller-retour Maroc-Québec au cœur de Montréal. Lorsqu’on me demande qui suis-je ? Je réponds, je suis un terrien, un être humain, je suis d’ici et d’ailleurs, je suis de nulle part. Pour me sentir quelqu’un, dois-je me sentir de quelque part ? Je m’appelle Mohamed, je suis impatient d’entendre ta réponse Rachida.
  • J’ai quitté l’Afrique pour les Amériques à l’âge de 10 ans.

À 13 ans, j’ai commencé à faire du temps.

À 27 ans, je suis de retour en dedans.

Relève-toi

Relève-toi

Relève-toi

Africa, Africa, Africa,

J’entends toujours cet harmonica

À partir de l’Amérique, j’entends l’appel de l’Afrique.

J’entends le chant de la terre-mère,

Et ce baobab que j’ai grimpé,

Redescendu, grimpé, redescendu..

Aujourd’hui, ce Baobab m’appelle

Je voudrais le retrouver et le regrimper.

Je voudrais contempler le monde du haut de mon baobab,

Je voudrais crier toute ma joie, tout mon amour

Pour toi Burkina, pour toi Burundi, pour toi Ruwanda

Oui, là bas, sur la terre Natale,

Je voudrais retrouver ma cabane d’Afrique,

Là où on n’a pas peur de la chicane.

Là où on parle, on rit et on ricane.

Même le génocide n’a pas mit fin à ton rire.

Je retourne dans ma cabane d’Afrique pour réapprendre à sourire.

Je m’appelle Claudien, ta présence Rachida, fait du bien. Mais répond-moi STP, d’où vient cette peur de la chicane au Québec ?

  • Bonjour Rachida, je m’appelle Junior. Dans un chapitre de ton livre, tu mets en scène l’œuf et la poule qui se chicanent. L’une veut montrer à l’autre que c’est elle qui a raison. Tu t’inspires des débats actuels au Québec entre deux courants idéologiques. Les identitaires et les inclusifs. Je t’avoue que je ne me sens pas très concerné par cette chicane. Je ne cherche pas à savoir à quel camp j’appartiens. me sens loin de cette chicane. Je vais te raconter ma petite histoire et tu me diras à quel courant j’appartiens. Mon parcours de vie est trop complexe pour réduire mon appartenance à un camp ou à un autre. Je suis né au Québec de parents haïtiens. Vers l’âge de 14 ans, ma mère a jugé bon me déporter de force en Haïti. Pour mes parents, seul un long séjour en Haïti pouvait calmer le jeune homme turbulent que j’étais. Un jour, je suis tombé malade. J’ai profité de cette maladie que j’ai prolongé volontairement pour justifier mon retour urgent au Québec. Une fois de retour, j’étais encore plus turbulent. Ma colère était grande. Aujourd’hui, avec le recul, j’assume cette déportation. Je la vois comme une expérience de vie qui m’a rapproché de mes racines. J’ai été témoin de la pauvreté et de la misère. Désormais, Haïti est à tout jamais gravé dans mon cœur. Ceci dit, quand j’aurais des enfants, jamais je vais les déporter de force en Haïti. Mes enfants seront des québécois d’origine haïtienne. J’espère qu’ils voyageront dans le pays de leurs ancêtres. En attendant, j’espère que les haïtiens éliront un jour un président paysan. Un éleveur de poule. Un homme du peuple. J’espère qu’ils se délivreront de la mainmise des américains. En tant que québécois d’origine haïtienne, j’espère que la diaspora haïtienne au Québec et partout dans le monde aidera Haïti à redevenir enfin Souverain de son destin. Je pense que je vais me lancer dans l’importation du poulet créole au Québec. Dis-moi Rachida. As-tu déjà goûté au poulet créole..?
  • Chère Rachida, je vais te raconter une petite histoire. Par une journée ensoleillée, une poule est sortie de la terre. Et tout de suite, elle s’est mise à chanter en arménien. Ahlan wa sahla bi chabab, ahla wa sahla bi Rachida… Maintenant, tu le sais. La poule est née en Arménie. Ses œufs se sont répandus partout sur la terre. C’est ainsi que je suis venu au monde au Liban. Je m’appelle Ayo. Je suis libanais arménien, mais aujourd’hui devant toi, je suis un Souverain qui s’ennuie de sa poule. Je m’ennuie du Liban, je m’ennuie de cette terre qui a accueilli mes ancêtres après le génocide de 1915. Aujourd’hui, c’est le Québec qui m’accueille et je lui dis MERCI.
  • Bonjour Rachida, je m’appelle Colbert, je suis arrivé d’Haïti à l’âge de 8 ans. J’ai 28 ans. Je ne suis jamais retourné en Haïti. Je n’arrive toujours pas à me considérer comme québécois. J’ai toujours l’impression que le blanc me ramène toujours à ma couleur. Le regard de l’autre empêche mon sentiment d’appartenance au Québec et pourtant je vis ici, je mange ici, je vais sûrement avoir des enfants ici. Dans les faits, je suis autant haïtien que québécois, mais si je me sens fier d’être haïtien, je n’arrive pas à avoir le même sentiment envers le Québec. Tu es une psychologue, donc une spécialiste dans le domaine de l’identité. As-tu une explication à me donner sur ma difficulté à me sentir québécois à part entière ?
  • L’œuf ou la poule ?

Quelle différence ça fait quand la chicane pogne dans une foule.

L’un m’appelle Mohamed et l’autre bengnoule

L’un me respecte, l’autre se défoule

Entre nous, qui est le maboul ?

Qui se rince la bouche avec des mots qui ont l’air cool

Moi, j’ai le goût du foul.

Le foul c’est vraiment cool..

À Tanger ou à Montréal

Le bissar coule

Avec huile d’olive et kamoune je me gave, je me saoule.

Juste à en parler, ça me donne la chaire de poule.

L’un m’appelle Mohamed et l’autre bengnoule

L’un me respecte, l’autre se défoule

Entre nous, qui est le maboul ?

Qui se rince la bouche avec des mots d’apparence cools

Je m’appelle Mohamed

Devant toi Rachida, mon tapis se déroule.

  • Bonjour Rachida, je m’appelle Benoît. Dans ton livre, tu inventes un dialogue entre l’œuf ou la poule ? Qui a raison et qui a tort ? La poule qui accuse l’œuf d’inventer et d’imaginer des faux problèmes comme l’appropriation culturelle ? Ou l’œuf qui accuse la poule d’être insensible aux droits des dominés en rejetant les discriminations de toutes sortes ? Personnellement, j’essaye de ne plus regarder en arrière, j’essaye de me faire visionnaire. Je me projette dans l’avenir lointain. J’ose espérer que ces problèmes de vivre-ensemble auront disparus parce que les humains auront enfin compris que nous n’avons pas d’autres choix que de vivre ensemble. Dans nos sociétés, de plus en plus multi-ethniques, multiculturelles et multi-religieuses, vaut mieux mettre en avant ce qui nous unis que ce qui nous sépare. Facile à dire, difficile à faire.. Pourquoi à ton avis Rachida c’est devenu si difficile pour certains d’accepter que d’autres se mêlent de leurs histoires ?
  • Rachida Azdouz, depuis longtemps, tu as été l’amie des Souverains. Il était temps que tu nous rendes visite. Tu es une rassembleuse. Avec tes livres et tes interventions publiques, tu contribues à bâtir un Québec Maître de son destin. Un Québec de tous les québécois. Un Québec de toutes les couleurs, toutes les cuisines et tous les tajines. Avec des femmes comme toi, le Québec est gagnant. Je te souhaite le meilleur dans ta vie et le succès pour tes livre. Au nom de tous mes camarades, je te déclare Rachida Azdouz, Souveraine anonyme.

Et je te dis « À la prochaine chicane ».

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