24 avr. 2003 | Vidéos, Rencontres, Audios, Débats de Souverains, 2001 à 2005

Yanni Kin

"Un enfant qu'on blesse, c'est un adulte qu'on tue" Yanni Kin

Yanni Kin 1

Écrivain

24 Avril 2003

Yanni Kin 2

Écrivain

24 Avril 2003

Douce France

La mère fait l'enfant!

L'accent!


Je quitte ma cellule
Je traverse les couloirs
Je salue mes amis
Je leur dis " à plus tard "

Je n' quitte pas Bordeaux
du moins pas encore
je m'évade dans les mots
et la musique des noirs

Ma vie est un roman
Ma vie est une chanson
Qui en est l'auteur
c'est toute la question

Des questions que je me pose
en vers et en proses
Je te salue homme
Et je te plaide notre cause

Yanni Kin
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes


1- Salut Yanni, je te dis tout de suite, pour moi tu n’es pas un invité ordinaire. Pas parce que tu es transsexuel, mais parce que tu es un écrivain qui a su très bien raconter l’histoire de sa vie. ‘’Regarde-moi maman’’ c’est le titre de ton premier livre. Mohamed nous a proposer de te rencontrer à l’occasion de la journée mondiale du livre et je suis personnellement content de te parler, parce que j’ai lu ton livre avec beaucoup d’intérêt et je peux te dire déjà qu’il mérite d’être lu par le plus grand nombre possible de personnes. Mais avant de continuer de parler du livre et de la transexualité, parlons un peu de nous deux. Toi et moi nous sommes nés sur la même terre, la France. Moi je l’ai quitté à 4 ans et toi à 12 ans. Comme tu entends moi j’ai gardé l’accent français mais pas toi. Je sais d’après ton livre que tu t’es forcé à parler québécois, tu ne voulais plus rien savoir de la France ni de son accent. Mais quand-même, la France est le pays de ton enfance, gardes-tu dans tes souvenirs quelque chose de doux de la douce France.. ?

2- Je t’entends parler, ta langue et ton accent sont 100% québécois. Mais l’écriture dans ton livre n’a pas d’accent. S'il reste en toi un peu du français que tu as déjà été, est-ce qu'il s'exprime plus par l’écriture que par la parole.. ?

3- Salut Yanni, d’après ton livre je sais que tes parents voulaient avoir un garçon. Mais c’est une fille qui est venu au monde au grand désespoir de ta mère particulièrement. Alors, sans me prendre pour un psychiatre, je ne sais pas si un Boris Cyrulnik se poserait la même question que moi. Le très fort désir de ta mère d’accoucher d’un garçon n’aurait-il pas influencer ton identité sexuelle.. ?

4- Ton livre c’est aussi une histoire de conflit entre un Sylvain et une Sylvie qui habitaient tous les deux le même corps. Tu écris dans ton livre que Sylvain te faisait passer pour ce que tu n’étais pas, c’est à dire une lesbienne et donc il t’empoisonnait la vie. Maintenant que Sylvain prend toute la place dans ton corps, que reste t-il de Sylvie.. ? Que devienne t-elle.. ?

5- Salut Yanni, moi je suis somalien, j’ai déjà vécu en France et j’en garde un accent qui me colle à la peau. Moi aussi j’ai lu ton livre qui m’a beaucoup touché. Mais je suis resté frappé du genre de relation que tu as eu avec ta mère.. C’est peut-être culturel mais je ne savais pas que ce genre de relation pouvait exister. Si j’ai bien compris, ça fait plus de dix ans que le silence vous sépare. Moi ma mère est morte alors que j’étais très jeune, et pourtant entre nous il n’y a pas de silence. Elle m’accompagne tout le temps. Parfois, je regarde là haut et je lui fais un clin d’œil.. Je sais qu’on ne choisi pas sa mère en venant au monde. Mais si t’avait à changer quelque chose chez ta mère pour moins souffrir, ça serait quoi.. ?

6- Salut Yanni, tu introduis les chapitres de ton livre par des citations de grands auteurs et penseurs. J’aime celle d’Enstein qui dit : ‘’La vie c’est comme une bicyclette, il faut toujours avancer’’ J’aime aussi celle de toi même qui dit : ‘’Un enfant qu’on blesse c’est un adulte qu’on tue’’. Tu as été blessé à ton enfance, aujourd’hui comme adulte tu sembles vivre quand-même. Qu’est-ce qui t’a vraiment sauvé.. ? La religion, Dieu, l'écriture ou toi tout seul..

7- Salut Yanni. Écrire sa vie ça doit être un exercice hautement thérapeutique. Mais pour ça, il faut savoir écrire. Ce n’est pas le cas de tous ceux qui souffrent. Toi Yanni, tu sembles très bien maîtriser ton français et tu ne manque pas de culture. Ça voudrait dire que dans ta vie l’écriture comme la lecture ont joué un grand rôle pour apaiser ton mal de vivre, est-ce que je me trompe.. ?

8- Salut Yanni, Moi je ne suis pas un homosexuel ni transsexuel, mais ça m’est déjà arrivé de me poser la question sur mon identité, j’ai dû même expérimenter des affaires avant de confirmer mon hétérosexualité. En fait, je pense que de toute façon, il n’existe pas une seule sexualité, mais des sexualités. Quelqu’un a déjà écrit un livre là dessus. Mais, tout le monde ne vérifie pas son identité sexuelle. Il doit exister des transsexuels qui s’ignorent.. Est-ce possible.. ?

9- Dans une situation de souffrance, on a besoin d’une force moral pour tenir le coup. Dans ton cas, cette force tu l’as trouvé chez les témoins de Jéhovas. Tu as dû sûrement retrouver dans cette confrérie religieuse une spiritualité et un sentiment d’appartenance pour te donner la force nécessaire de passer à travers la souffrance. Sans ce passage, qui a duré des années, chez les témoins Jéhovas, aurais-tu pris la décision de changer de sexualité.. ?

10- Beaucoups de parents n’acceptent pas leurs enfants comme ils sont. Ils n’ont pas tous lu la phrase de Khalil Gibran qui dit :

Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.

Moi mon enfant s’appelle Kanza, je parle d’elle souvent parce que le destin nous m’a séparé d’elle depuis 6 ans. Elle a aujourd’hui 8 ans. Gibran Khalil Gibran dirait que Kanza n’est pas mon enfant, mais je suis son père. Il ne viendra pas me dire que Vos père ne sont pas vos père.. !!

Si toi tu as dû te battre contre le caractère possessif de ta mère, moi je me bas contre le caractère ironique et injuste du destin. Kanza ma fille ne m’appartient pas en tant que personne, mais en tant que père, je devrais être présent pour son épanouissement, présent pour l’aider dans ses devoirs, présent pour courir avec elle au bord de la mer.. Présent pour l’entendre me dire Papa.. Regarde-moi Papa, regarde de quoi je suis capable de faire.. Regarde mon château de sable, regarde mon dessin, regarde mon papillon.. Yanni, tu as déjà porté le nom d’une fille, aujourd’hui tu portes le nom d’un homme.. Y'a t-il de la place aux enfants dans la vie d'un transsexuel..?

11- Salut Yanni, à ma sortie de Bordeaux il se peut que mon père soit a la porte. Un père que je n’ai jamais vu de ma vie. Je ne sais pas comment je vais réagir. Je souhaite presque que ça n’arrive pas. Au fond de moi, j’ai toujours voulu savoir qui est cet homme qui est mon père, mais j’ai peur d’être déçu. Ma mère ne m’a pas souvent dis du bien de lui.. Si j’ai bien compris, d’après ton livre, la dernière fois que tu as vue ta mère, pour elle, tu étais encore une femme. Si il n’y a plus de contact aujourd’hui entre vous est-ce à cause du fait que tu as peur de la décevoir ou que ça soit elle qui te déçoit.. ?

12- Ton livre ‘’Regarde-moi Maman’’ est une auto-biographie mais aussi un pamphlet pour la défense des droits de transsexuels. Tu cites toutes les difficultés auxquelles se confrontent encore les transsexuels. Je voudrais que tu nous en parles un peu et nous dire à qui revient la responsabilité de reconnaître le droit des transsexuel, les politiques ou les citoyens.. ?

13- Tu as réfléchis plus que moi sur la question, tu as peut-être une réponse. Comment expliques-tu qu’aujourd’hui au Québec, un homosexuel est beaucoup plus accepté et reconnu dans ses droits qu’un transsexuel.. ?

14- Comment les transsexuels sont perçus par les homosexuels, est-ce que la cause des homosexuels peut profiter à celle des transsexuels.. ?

15- Yanni Kin, nous savons que tu viens de loin, de très loin.. tu semble bien t’en sortir.. La souffrance est parfois un meilleur chemin vers l’accomplissement de soi. En tout cas, de ton livre, je retiens une grande leçon de courage et d’affirmation de soi. J’espère qu’il connaîtra le succès qu’il mérite. Je sais que je ne verrais plus un transexuel de la même façon.. Je te souhaite Yanni du bonheur et du plaisir dans tes amours. Nous sommes fiers de t’avoir connu. Au nom de tous mes camarades ici présents, je te déclare Yanni Kin Souverain anonyme..

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