Tu quitte ta cellule
Tu traverses les couloirs
Tu salue tes amis
Tu leur dis " à plus tard "
Tu n' quitte pas Bordeaux
Ce n'est pas un drame
Tu t’évades dans les mots
et la musique gitane
Ta vie est un roman
Ta vie est une chanson
Qui en est l'auteur?
c'est toute la question
Des questions que tu te poses
en vers et en proses
Je vous salue mes frères Souverains
Et je vous plaide votre cause
Nicole Quesnel et David Henry
Bienvenue parmi les
Souverains anonymes
1- Bonjour à vous distingués invités, chers amis Souverains, je m'appelle Peter et je suis Souverain seulement depuis deux mois, mais j'ai la conviction maintenant que je l'ai toujours été. C'est ça la magie de ce programme. On découvre sa propre souveraineté, sa confiance en soi! La preuve, je suis déjà sur la scène et je m'apprête à parler un public.
Mohamed m'a confié la tâche d'introduire cet événement. J'espère réussir cette mission avec succès. Et pour me donner un coup de main, je vous demande d'abord de m'applaudir un peu, ça va beaucoup m'aider.
Merci! Nous sommes réunis aujourd'hui dans le local des Souverains anonymes pour remettre un prix à Mohamed. C'est fait. Bravo Mohamed. Maintenant,j'aimerais remettre un autre prix. Désormais, aujourd'hui, ça sera un spécial deux pour un!
Moi et les Souverains, nous tenons à remettre un autre prix à une autre personne qui nous fait l'honneur de sa présence aujourd'hui. Mohamed nous a tellement parlé de cette personne que nous avons fini par l'aimer et la respecter. Oui, nous les Souverains, nous aimons toute personne qui œuvre pour le bien être des personnes incarcérées et qui contribue à leur réhabilitation. Nous aimons les éducateurs, nous aimons les formateurs, nous aimons ceux et celles qui nous aident à voir une petite lumière au bout de notre tunnel.. On va pas se le cacher, Bordeaux est une épreuve pour chaque détenu. Et en temps de pandémie, l'épreuve a été dure, très dure.. Je salue en passant le Père Stéphane Roy et ses deux associés de nous avoir accompagné dans cette dure épreuve.
Maintenant que la pandémie est en train de disparaître tranquillement, maintenant que les détenus peuvent retrouver leurs activités et leurs programmes, c'est peut-être l'occasion de célébrer cette chose qu'on appelle la réhabilitation. Aujourd'hui, nous avons avec nous une femme qui, durant toute sa carrière de psychologue au Services Correctionnels du Québec, elle a misé sur la résilience des hommes et leur capacité à renaître! À devenir meilleur! À voir la vie devant eux... Cette femme a été la première femme à devenir directrice de la prison de Bordeaux en 2000 après une brillante carrière comme directrice des Services professionnels, responsable des programmes.
Moi et mes amis Souverains, nous lui devons la chance d'être ici dans ce local à participer régulièrement au programme Souverains anonymes parce que c'est elle qui a accueilli le projet de Mohamed avec beaucoup d'intérêt. C'est elle qui a eu l'audace d'ouvrir les portes de Bordeaux à un micro de Radio en 1989. C'est elle qui a convaincu le Conseil d'administration du Fond des détenus pour bien considérer ce projet unique au monde. Souverains anonymes.
Cette femme est avec nous aujourd'hui, j'ai nommé Nicole Quesnel, elle est aujourd'hui la Présidente de l'Association des Services de réhabilitation du Québec, elle est accompagnée de Monsieur David Henry, directeur de la même association et je vous demande de les applaudir chaleureusement.
Au noms de tous mes camarades Souverains, je vous déclare Madame Nicole Quesnel et Monsieur David Henry, Souverains anonymes.
2- Bonjour distingués invités, mes chers Souverains, Mohamed Lotfi a publié en 2919 son livre Vols de temps. La première préface du livre est signé par un ancien détenu de Bordeaux, Jean Charbonneau. Ce livre aurait pu être signé par tous les Souverains depuis 33 ans. Avant d'offrir le livre à Madame Nicole Quesnel, j'aimerais vous la lire avec mes camarades Souverains:
Pour Mohamed Lotfi, l’art semble être un jeu d’enfant espiègle dont la mécanique s’active tantôt sous la pulsion de la défense et de l’instinct de survie, tantôt sous celle du désir et de la passion.
Marocain d’origine, Québécois d’adoption, ancien danseur de ballet, à la fois peintre, cinéaste, journaliste, comédien, réalisateur, animateur à la radio, cajoleur-né, cet acrobate de l’art passe d’un tremplin à l’autre, sans cesse projeté par les ressorts de sa créativité dans le grand cirque de la vie.
En 1989, il dirigeait cette fois sa perche radiophonique pour franchir le mur de la prison de Bordeaux et se retrouver en milieu carcéral où, avec le concours des détenus, il parvenait à créer une série d’émissions radiophoniques communautaires qui font encore aujourd’hui de leurs auditeurs de vrais captifs.
Le 11 novembre 1990, Michel Mongeau, président des Gens de la radio, lui rendait hommage en lui remettant le Prix de la meilleure réalisation de l’année pour son émission radiophonique Souverains anonymes et pour « l’initiative qu’il a prise d’explorer l’univers carcéral dans un traitement radiophonique remarquable par la qualité des témoignages, la chaleur des musiques et le dynamisme des montages ». Durant les vingt-trois premières années, Souverains anonymes a fait le tour des radios communautaires du Québec. Quelques radios associatives et étudiantes, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et même en France.
Sa « réussite en prison », Mohamed Lotfi la doit à son expérience du milieu des marginaux, source d’inspiration pour ses nombreux reportages, en particulier chez les sans-abri, les poètes maudits, les « assis entre deux chaises », les pro-Palestiniens, les psychiatrisés, enfin... les gens sans voix.
Grâce à quelques adeptes de la réinsertion sociale de l’administration de Bordeaux, dont Madame Nicole Quesnel, Mohamed se voyait autorisé à y recevoir des « gens bien » du monde artistique, politique, syndical et médiatique qui viendraient échanger hebdomadairement avec des « présumés bons à rien », détenus qui, grâce à cette heureuse initiative, prendraient désormais conscience de leur identité propre en reliant le réel à l’idéal et en s’élevant au-dessus de leurs problèmes particuliers et de leurs frustrations personnelles pour voguer sur les ondes de l’entendement humains.
Cesser de maux... dire. Et avoir son mot à dire.
C’est la formule que propose Mohamed Lotfi lorsqu’il enseigne à ses frères détenus à mettre leurs instincts d’agression au service de leurs instincts de vie, par l’entremise radiophonique du cri primal. Bravo ! C’est de l’art en barre !
Jean C
Ex-détenu et Souverain anonyme
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